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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 20:17
Entre rêves de Nature et de littérature, Baptiste Lanaspèze, auteur, philosophe et fondateur des Éditions Wildproject s’emploie à démocratiser l’éthique environnementale et la pensée écologique en France de manière à faire tomber dans les esprits les murs dressés entre l’Homme, la Culture et la Nature.
La Nature est dotée d’un pouvoir. A travers les mots, cette force considérable peut parfois se révéler une authentique révolution pour l’esprit jusqu’à vous emporter et bouleverser votre vie. Tandis que notre vision moderne du monde s’assèche un peu plus chaque jour, un nouveau modèle de civilisation émerge petit à petit, puisant sa source dans la pensée d’auteurs anglo-saxons tels que Rachel Carson ou John Baird Callicott qui, leurs vies durant, se sont mis en quête de changement, d’une nouvelle philosophie connectée à la Nature. Fan d’Henry David Thoreau et amoureux de la Nature, Baptiste Lanaspèze, 34 ans, a choisi de se faire l’écho de ces voix alternatives en créant en 2008 sa propre maison d’éditions indépendante baptisée Wildproject, après avoir étudié à La Sorbonne et co-enseigné au Bard College de New York. A l’heure où l’écologie revêt des enjeux culturels et politiques grandissants, et si la solution à nos problèmes était tout simplement de nous reconnecter à notre environnement naturel ? Entretien grandeur nature avec une âme sauvagement authentique. Guillaume Delannoy
photo © Pierre-Antoine Dhonte
 
Baptiste Lanaspèze, présentez-nous la genèse de Wildproject. Comment l’idée est-elle née ?
Baptiste Lanaspèze : En 2002, alors que j’étudiais à New York, j’ai découvert l’existence de toute une bande d’écrivains au sens large : philosophes environnementalistes, essayistes, romanciers… J’étais déjà lecteur de Jim Harrison, de Rick Bass, je connaissais déjà l’existence de tous ces nature writers américains. Mais là j’ai découvert toute la partie non-fiction de ce qu’on appelle « l’école » du Montana, qui m’a semblé monumentale et très bonne à la fois en quantité et en qualité. J’ai commencé à me jeter à corps perdu là-dedans mais j’ai très vite réalisé que ces ouvrages n’étaient pas traduits en Français et par conséquent, méconnus dans l’Hexagone. À mon retour des États-Unis, une fois embauché chez Autrement où j’étais directeur de collection et ayant lu tous ces auteurs américains qui renouvelaient le genre du nature writing traditionnel en y intégrant des réflexions aussi bien politiques que scientifiques, l’envie est née de créer une collection. S’en est suivi un long parcours du combattant, les éditeurs n’étant pas convaincus de la possibilité de transformer cette passion en succès littéraire. L’idée, c’était de mettre en lumière ce mouvement culturel et social de fond, indépendant, qui était en train de recomposer complètement la relation Homme-Nature et n’était ni lié à l’écologie scientifique ni à des activistes de Greenpeace ni à des gens qui font du droit environnemental ou à des architectes « verts » mais se présentait comme un mouvement culturel global rare dans l’histoire des idées, porteur d’un vrai socle scientifique. Ce qui a scellé mon enthousiasme fut de découvrir qu’il existait aux États-Unis un courant philosophique basé sur l’éthique environnementale et que des penseurs travaillaient sur ce sujet depuis trente ans sans que personne n’en parle ou presque.
  
Qu’est-ce que l’éthique environnementale ?
 L’éthique environnementale est née dans les années 60-70 aux États-Unis. Elle représente des dizaines de professeurs en poste, des centaines de listes publiées, un mouvement intellectuel de grande ampleur. Ces gens-là considéraient qu’une crise environnementale serait l’aboutissement de notre quête de modernité, de ce projet de civilisation muri depuis des siècles, qui repose sur l’idée que la valeur humaine se conquiert dans la liberté par un arrachement à la Nature. Notre vision du monde est profondément marquée par cette idée. Tous nos modes production, de consommation, notre éducation en découlent et il est très difficile de s’en défaire. Ce que ces philosophes disent, c’est que nous avons là une occasion de faire de la philosophie qui n’est plus du tout une philosophie scholastique, où l’on plie les cheveux en quatre, mais une philosophie pratique plus que jamais nécessaire. C’est la philosophie requise pour requestionner, réinterroger notre projet actuel de civilisation et y substituer un projet différent qui se forme sur une autre vision de la Nature.
Pourquoi cette éthique environnementale, selon vous, demeure t-elle une discipline « pariah » pour reprendre les mots du philosophe américain John Baird Callicott ?
 A une époque, je pensais que c’était spécifique à la France, que c’était lié à « l’antinaturalisme français » et à l’idée du droit du sol contre le droit du sang. Nous sommes une République et la République, c’est une idée, une valeur. On est très constructiviste. Mais cette idée-là est très objectable. Il y a d’abord le fait qu’à l’époque des Lumières, la France était naturaliste. Diderot, Rousseau ou Buffon s’intéressaient à la botanique, à la science. Et la deuxième objection, c’est que même outre-Atlantique, où le naturalisme est assez répandu, l’éthique environnementale reste confinée à l’intérieur des cercles académiques. Callicott l’explique assez justement par le fait que l’université est là pour entretenir l’institution, la sert, et que l’éthique environnementale remet tellement en cause la culture occidentale contemporaine qu’elle ne peut pas être assimilable. Elle est révolutionnaire ! Elle va à l’encontre même du système et de l’organisation du savoir. Mais elle n’est pas du tout violente, elle est au contraire très pacifique. Elle pose juste des questions essentielles. Pour être un peu caricatural, Socrate n’était pas assimilable par la Vieille Athènes car il posait trop de questions dérangeantes pour l’époque. De même que Descartes par la Sorbonne du 17ème siècle. Naturellement, on distingue sciences humaines et sciences naturelles alors que dans l’éthique environnementale, on ne peut distinguer l’homme de la Nature car l’être humain et la Nature ne font qu’un.
  
 
Chez vous, comment est né cet amour de l’écologie ?
La découverte de ces auteurs lors de mon séjour américain a véritablement relancé ma vie intellectuelle. Concrètement, j’ai plus lu, écrit au cours des dix dernières années que lors de mes dix années de formation initiales. Ce déclic intellectuel a mis le feu aux poudres, a provoqué une vraie passion. Autour de moi, j’ai également observé d’autres personnes ayant eu ce déclic. Catherine Larrère, l’une des rares philosophes environnementalistes du pays, a découvert tout ça vers 1992-1993 et dans les 2-3 années qui ont suivi, a organisé un colloque, publié, écrit un livre avec son mari et fait un Que Sais-je sur l’éthique de l’environnement. C’est une pensée qui provoque ce genre d’enthousiasme. Dans mon cas, ça a particulièrement marché parce que j’avais deux passions dans la vie, d’un coté la philosophie, la vie de l’esprit et de l’autre, j’adorais me balader, j’avais une forte sensibilité pour le monde naturel, sans toutefois parvenir à rejoindre les deux. En philosophie, il n’y a pas tellement de place pour l’idée de Nature. Mais le sujet m’intéressait de longue date puisque j’avais consacré mon mémoire de philo il y a 15 ans à l’idée de Nature chez Kant, nourri par l’envie de dépasser cet éternel dualisme qui structurait la philosophie. J’avoue m’être senti un peu seul au début mais lorsqu’on est attaché à ses convictions, il est naturel de vouloir se dépasser pour elles. Ce qui m’a réconforté et fut une vraie révélation pour moi, c’est de voir qu’aux États-Unis il existait des tas de philosophes, de penseurs, avec qui je me sentais totalement en affinité, avec qui je partageais une certaine sensibilité intellectuelle. Cela fait toujours plaisir quand on parcourt le monde de se découvrir plein de copains (sourire). Et je plaisante à moitié en disant cela car c’est aussi de là que j’ai tiré mon énergie et mon envie de me lancer dans l’aventure entrepreneuriale et de devenir ce que je suis aujourd’hui, à savoir un philosophe-commerçant. Et ainsi promouvoir des gens que j’aime. Un type comme Callicott, je suis ravi de pouvoir le rendre plus célèbre en France. Il y a un vrai engagement affectif là-dedans.
 
J. Baird Callicott 2.jpg
 
Comment ne pas y voir également un clin d’œil à la Beat Generation, à Ferlinghetti, poète et fondateur de la librairie City Lights à San Francisco et éditeur des premiers auteurs beat tels Kerouac ou Ginsberg…
Ferlinghetti, City Lights, les beatniks… tous ces avatars de la contre-culture américaine me fascinaient littéralement, adolescent. Et tout d’un coup, on voit sous ses yeux émerger un mouvement de pensée d’une ambition inouïe et inconnu en France, on a soi-même 30 ans, on en a assez de se faire un peu exploiter… On se dit qu’il faut y aller, que c’est une belle cause à soutenir. C’est une belle aventure à vivre et quand on a la chance de trouver des idées qui donnent un peu des ailes, il est normal de vouloir les partager avec d’autres gens ! La réalité commerciale, c’est autre chose. On vend entre 1000 et 2000 exemplaires de chaque livre, ce qui est fantastique quand on voit le niveau d’exigence du travail que je propose. Ce n’est pas forcément évident. Certains sont plus faciles à lire que d’autres. Il s’agit tout de même d’essais, de philosophie… C’est pas mal du tout mais pas encore suffisant pour être à l’aise économiquement. Ce n’est pas évident de transformer l’essai, de transformer la passion universitaire en rentabilité économique car le rythme des idées est très lent. Lorsqu’une idée arrive, il faut 5 ou 10 ans avant qu’elle ne soit au programme des universités et que les étudiants se précipitent pour acheter les bouquins. Il y a plein de processus de validation plus ou moins opaques. Pour l’anecdote, le livre de Newton dans lequel est posée la théorie de la gravitation universelle a mis 55 ans à traverser la Manche !
 
 
Mais pourquoi, à l’heure d’Internet, ces idées ne nous parviennent-elles pas plus rapidement, justement ? Est-ce une chose à laquelle vous aspirez que de créer une plateforme online de démocratisation de cette pensée ? Un peu comme vous le faites sous forme de magazine sur votre site web…
Le net a ses avantages et ses inconvénients. Il permet de publier instantanément partout dans le monde à moindre frais. Quand on est éditeur et confronté en permanence à la lourdeur des rythmes de l’imprimeur, du papier, des stocks, des libraires… c’est un antidote extraordinaire de pouvoir publier une revue en ligne. Cela procure un plaisir fou ! Quarante-huit heures suffisent pour rassembler les textes, les mettre en images et les envoyer à la mailing list. Les gens découvrent alors le résultat en temps réel partout dans le monde. Des amis à San Francisco vous appellent en vous disant « this is great » etc… Ça, c’est génial. L’énorme inconvénient, c’est qu’il demeure pour l’instant assez compliqué de trouver une économie pour ce genre de projet. Dans l’idéal, j’aimerais trouver un sponsor… Mais quelle compagnie prendrait le risque de promouvoir des idées aussi révolutionnaires ?
 
Revenons à la pensée écologique américaine. Pensez-vous qu’elle apporte une analyse plus pertinente dans le sens où ses auteurs, justement, font l’expérience quotidienne du « nouvel empire romain », de ce qui constitue la figure de proue, le côté extrême de cette civilisation consumériste occidentale ?
Vous avez raison de dire que l’Amérique est saccagée par le non-écologisme, par la bêtise du mainstream productiviste mais il existe quand même un sacré socle militant aux États-Unis. Le meilleur exemple étant le retour au « farming », à l’agriculture traditionnelle, dans de nombreux endroits. L’Amérique est pleine de surprises et de paradoxes. Les meilleurs maitres zen du monde vivent sur la côte ouest des États-Unis ! Étonnant, non ? Et si l’éthique environnementale est née là-bas plutôt qu’en France, c’est sans doute parce que la vie intellectuelle y est plus riche, plus audacieuse, plus innovante qu’en Europe à l’heure actuelle. Même si c’est un peu cruel de dire ça… Je pense que c’est notamment le cas en littérature. Il y a une espèce de vitalité dans ce pays qui fait qu’on ose penser, qu’on ose franchir la ligne rouge, qu’on ose transgresser, construire, espérer, qu’on ose croire et fonder une nouvelle philosophie. En France, en Europe, qui affiche une telle ambition ?
 
Vous publierez cette année une biographie d’Henry David Thoreau, écrivain, poète, naturaliste et philosophe américain du XIXème siècle, père de la Désobéissance Civile et source d’inspiration majeure pour de grands écrivains, penseurs et figures majeures de l’Histoire tel que Gandhi ou Martin Luther King. Incroyablement visionnaire, l’auteur de Walden ou la vie dans les bois a écrit : « Les générations futures n’attendront peut-être pas la dissolution du globe, mais, profitant de futures inventions en matière de transport aérien et de navigation dans l’espace, la race humaine dans sa totalité pourra peut-être quitter la Terre […] ». Selon vous, comment des idées aussi anciennes peuvent-elles avoir un tel écho, une telle pertinence aujourd’hui, jusqu’à revêtir une dimension quasi-prophétique ?
D’abord, Platon, Socrate, furent pertinents dans plein de domaines… Thoreau n’est pas si ancien. Il est contemporain de l’événement le plus marquant de l’histoire de l’Humanité depuis l’invention de l’agriculture, c’est à dire, la révolution industrielle. L’écologie est la conséquence directe de la transformation industrielle du monde. C’est très lié. En tant qu’habitant de Concord (Massachusetts) et amoureux de la Nature, Thoreau a assisté au tournant clé de l’industrialisation de l’Amérique. Et comme c’est une espèce de chamane, qu’il a une forte sensibilité, une telle culture et qu’il est hyper perméable à l’air du temps et aux évolutions sociales, il a parfaitement compris toutes les conséquences que cette industrialisation allait avoir dans le rapport à la Terre. Comme vous, je suis un fan inconditionnel de Thoreau, je le trouve extraordinaire et incontournable. C’est avec des personnages comme lui ou Whitman et Emerson, que nait la littérature américaine. Thoreau est essentiel dans l’histoire et la culture américaines. Il est de ces écrivains américains qui ne s’appuient sur aucune tradition littéraire américaine. Il n’y avait quasiment pas d’écrivains américains avant eux. Ils ne lisent que des européens. Ils lisent Goethe, principalement des auteurs romantiques. Et à partir de là, avec une inébranlable foi en eux-mêmes, en leur destin et dans la vie, ils pensent librement et veulent fonder une nouvelle littérature pour l’Amérique. Il y a une espèce d’ambition et d’ampleur de propos prodigieuses. Et ce qui est fascinant chez Thoreau, et ce thème-là n’est pas présent chez Emerson par exemple, c’est que la littérature est directement liée à l’art de la marche. Chez lui s’opérait une fusion entre l’acte d’écrire et la marche qui a marqué toute son œuvre. Habituellement, la littérature est liée à l’âme humaine, aux sentiments, à l’amour… Avec lui, elle est fortement liée à la géographie, aux lieux, à la Nature, au monde. Ce qui parait hyper-troublant aujourd’hui parce qu’en ce début de ce 21ème siècle, ce sujet-là est très « à la mode ». Mais je suis d’accord avec vous, c’était un véritable visionnaire. Comment se fait-il que 160 ans plut tôt, Thoreau ait pu raisonner de façon aussi proche de nous aujourd’hui ? C’est très étonnant. Thoreau a écrit : « In the wilderness is the preservation of the world ». C’est l’une des raisons pour laquelle nous avons choisi un nom anglais, Wildproject, pour notre maison d’éditions.
 
 
 
Thoreau, l’art de la marche… cela nous amène à parler du GR 2013. Vous êtes passionné par la marche. Pouvez-vous nous présenter ce projet dont vous êtes l’instigateur ?
Depuis le début, je voulais être un éditeur qui ne fasse pas uniquement des livres. J’adore les livres mais j’adore la vie aussi ! Je suis installé à Marseille, une ville dont je suis amoureux. C’est un peu mon laboratoire de rêverie, de balade, d’errance, de réflexion… J’adore ce lieu car on n’y voit jamais la limite entre la ville et la Nature. C’est une ville pleine de nature et qui, tout de suite, casse la frontière homme-nature. Tout est confus. Et comme Marseille sera capitale culturelle européenne en 2013 et que le thème de l’écologie n’était quasiment pas présent dans la candidature de départ, j’ai proposé aux organisateurs de créer avec une série d’artistes le premier sentier de Grande Randonnée alliant culture et nature. Au lieu de prendre l’avion, d’aller au Chili et marcher pendant 15 jours dans la Cordillère des Andes en s’extasiant sur les mêmes endroits où vont tous les touristes, l’idée m’est venue de proposer une randonnée de 13 jours à travers un milieu entre ville et Nature où l’on ne sait plus finalement si on est en ville ou pas. Nous prétendons ainsi donner naissance à un GR du 21ème siècle. Les GR actuels datent du 19ème, sont influencés par l’impressionnisme, par l’idée faussement répandue que la Nature se trouve là où il n’y a pas d’hommes, mais cette vision est erronée. Ce GR2013 se veut l’application sur le territoire des idées de la maison d’éditions Wildproject et une belle opportunité de mener une réflexion sur la ville durable.
 
 
TV5 Emission du
Jeudi 10 Mars 2011 :
 
 
  http://marseille-provence2013.fr
 
 
 J’ai remarqué que vous aviez un goût pour l’Orient. Vous avez entrepris plusieurs séjours de longue durée dans le monde arabe, en Égypte, au Yémen, au Maghreb. Vous avez également vécu et enseigné aux Etats-Unis. Quel regard portez-vous sur ces deux mondes bien différents ? Quelle est votre place et quelle est la place donnée à l’écologie dans le monde arabe ?
En tant que méditerranéen, cette question est un peu au cœur de mon identité. Quand j’ai quitté Marseille pour Paris, j’ai voulu garder quelque chose de la Méditerranée. Je me suis donc mis en tête d’apprendre l’Arabe. L’apprentissage de cette langue a été une autre révélation car cela m’a permis de découvrir le monde non-occidental. Une expérience bouleversante pour moi. Mais depuis des années je cherche à trouver dans le monde arabe des gens qui travaillent sur l’écologie car ce serait pour moi l’occasion de réunir deux de mes passions, là encore. Mais je n’ai pas encore trouvé ce que je cherchais.
 
Comment l’expliquez-vous ?
Je ne saurais pas l’expliquer sans avoir peur de m’exprimer de façon maladroite mais pour simplifier, la présence de Dieu est tellement palpable dans la vie sociale que l’on a vraiment le sentiment que la vie, c’est ce qui se passe en attendant le paradis et que ce monde-là n’a qu’une valeur relative par rapport à Dieu. Et donc, on se fiche un peu de laisser trainer des sacs plastiques, d’avoir des trucs pourris, des voitures qui tombent en ruines… Il y a une espèce de désordre ambiant qui semble être lié à la faible valeur de ce monde par rapport au monde transcendant. C’est assez surprenant. Mais en même temps, la forte présence de la spiritualité là-bas donne des relations sociales extrêmement riches et des relations affectives avec les gens très fortes aussi. Mais la Nature n’existe pas ou peu. Il n’y a pas de concept de nature dans le monde arabe. Du moins, pas à mon sens. Mais je ne désespère pas de trouver !
 
Pour vous, la Nature peut-elle revêtir un caractère « sacré » ?
C’est le sujet du colloque que l’on organise à la Sorbonne en avril prochain. Oui, peut-être… Mais ce n’est pas ma formulation préférée car le terme embrasse une sorte de religiosité inadéquate. Je lui préfère la définition de l’éthique environnementale qui considère que la Nature a une valeur intrinsèque. Elle n’a pas de valeur en fonction de ce que l’homme va lui accorder ou en fonction de l’usage dont on peut en faire ou en tant que référence culturelle, elle a une valeur en elle-même. C’est à dire que l’arbre, le cochon ont le droit à la dignité. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas manger le cochon. Moi j’adore manger le cochon. Mais je considère qu’il existe une dignité propre des être vivants et j’aime cette idée encore plus. La philosophie occidentale a beaucoup remis en cause l’idée même de la dignité de la Nature. Dans la philosophie moderne, n’a de dignité que l’être humain. Tout le reste n’est que du décor, des objets, de la matière, de la ressource. Et je ne suis pas d’accord avec cette idée. Puis j’aime bien ce mot… Dignité. Je trouve que c’est un beau mot.
 
    Nous nous trouvons au seuil de bouleversements à la fois économiques et écologiques majeurs. Êtes-vous optimiste ? Croyez-vous qu’une vraie prise de conscience mondiale puisse se produire et nous amener à nous reconnecter avec la Nature, à prendre des mesures radicales à l’échelle mondiale pour lui redonner une place plus importante, la protéger tout en nous protégeant ?
J’ai la conviction que la restructuration de la relation Homme-Nature va être LE sujet structurant dans les décennies ou le siècle à venir. Il y a deux cents ans, la société fut réinventée à partir de l’idée d’égalité entre les Hommes. En Occident, mais aussi en Inde, de nombreux activistes et penseurs sont déjà mobilisés et concernés par le sujet. Je crois que l’écologie, de la même façon que les problèmes de crimes contre l’Humanité, vont nous obliger, à moyen-long terme, à mettre en place une forme de gouvernance mondiale. On ne peut pas, à mon sens, résoudre les grands problèmes écologiques dans le cadre d’état-nations ni même à l’échelle continentale. Ce sont des problèmes mondiaux qui nous concernent tous. Je pense que la dimension biosphérique de l’enjeu écologique va nous amener, d’ici 2050 à l’émergence d’un gouvernement mondial, collégial j’imagine, qui puisera son essence dans l’éthique environnementale. C’est pour moi dans ce sens là que va aller l’Histoire, forcément.
 
Selon vous, qu’est-ce qu’être “authentique” en 2012 ?
C’est compliqué. Le terme a tellement été utilisé, galvaudé… Mais pour répondre à votre question, je me sens particulièrement proche de l’énergie, de la vision, de la radicalité et de l’ambition de Nicolas Hulot. Son discours me semble puissant et lucide. Il y a une espèce d’authenticité, de sincérité chez lui. Son inquiétude est réelle, il est authentiquement angoissé. Et en même temps, ça ne l’empêche pas d’agir. Parfois, l’inquiétude pétrifie, paralyse. Il fait partie des rares personnes à être allé suffisamment loin dans la réflexion et l’analyse sur le monde qui nous entoure pour en revenir avec des convictions très puissantes et très claires, notamment sur le changement climatique et les solutions qu’il faut apporter. Beaucoup de gens sont conscients du problème mais pensent que celui-ci est trop important pour pouvoir le résoudre individuellement. C’est en partie faux. Chacun peut agir à son niveau. Donc, être authentique pour moi aujourd’hui, c’est réussir à construire ses convictions, les respecter et ensuite les servir de manière constante avec sincérité et intégrité.
 
Entretien : Guillaume Delannoy  
pour sublime magazine http://france.sublimemagazine.com/
 
 
Fondée en 2008 par Baptiste Lanaspeze, Wildproject est une maison d'édition indépendante qui se consacre aux idées émergentes, et en particulier à l'écologie dans sa dimension culturelle.

En proposant de réformer notre conception de la nature et d'interroger notre projet de civilisation, l'éthique environnementale constitue, depuis trente ans, un petit laboratoire intellectuel pour le moins ambitieux. Au moment où en France, les mondes de la science, de l'art et de la recherche s'ouvrent à ces idées nouvelles, Wildproject veut contribuer à leur découverte et à leur développement.

A partir de la collection fondatrice '"Domaine sauvage" (essais), Wildproject développe désormais 5 nouvelles collections: "Tête nue" (littérature), "Sur le vif" (documents), "Petit panthéon" (portraits), "Nature contemporaine" (art contemporain), et "A partir de Marseille".

En ligne, la revue Wildproject (www.wildproject.fr) croise les scènes françaises de l'écologie culturelle.

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commentaires

P
<br /> Bonjour :)<br /> <br /> <br /> Merci de l'invitation sur Babelio - autour des Aristocrates sauvages, je crois, que j'ai découvert avec grand bonheur -, et je suis ravie de trouver cette longue interview de Baptiste Lanaspèze<br /> ici ! Fan des sorties des éditions Wildproject, l'annonce de cette bio de Thoreau est merveilleuse (je suis toujours dans sa correspondance in "Je suis simplement ce que je suis : Lettres à<br /> Harrison G.O." chez Finitude, mais une biographie, ce sera différent, forcément). Une belle journée qui s'avance, avec cette excellente nouvelle en tête !<br /> <br /> <br /> Et puis cette nouvelle approche des GR est bien, secouante. Une chouette interview :)<br />
Répondre
T
<br /> <br /> Hola damoiselle. Merci à toi, c'est un plaisir de partager. En effet, c'est une bonne nouvelle que la sortie prochainement d'une biographie de H.D.Thoreau. Et pour l'interview, c'est le Guillaume<br /> qui a bien géré...du très bon boulot!!!<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Superbe mise en page, beau boulot Tonton, comme toujours <br />
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