(...)
Peu d’individus le ressentent ainsi, beaucoup sont caricaturaux, beaucoup
ont déjà signé et les derniers ne sont que des estomacs sur pattes.
23 janvier 2010
La semaine s’annonce critique. Je reste dans la voiture une fois garé, à
attendre que la pluie cesse. Nous sommes dimanche soir. Semaine critique.
Pour la première fois, je vais me présenter à une session d’examens, sans les
avoirs préparés. Je n’ai pas pris la peine d’en relire la moitié. Situation
courante pour des tas d’étudiants. Sauf qu’il s’agit de mes "derniers"
examens, sensés conclure un honnête parcours. Bac +5. Une filière
scientifique. Après, c’est le "marché du… travail".
Stage et sérieux promettent de l’emploi. Quoi? Environnement?
Aménagement et Développement Durable?
Cessons, il ne s’agit là que d’un mauvais business. Valeurs fantomatiques.
Grand saut en aveugle, ou plutôt, avec oeillères. Ce que l’on vous promet,
c’est à 40 ans d’en paraître 50. On vous promet l’embourgeoisement sidéral
pour vos bons et loyaux services. à votre servitude.
Il ne pleut plus. Je sors.
24 janvier 2010, soir
Bientôt un an après sa lecture, et je jouxte mon cas à celui de Siddhartha.
Jeunesse paisible.
Mon incursion chez les samanas croît tel un haricot magique. Une addiction
massive et d’une certaine manière, ma façon de dérouler la route. L’ultra
endurance, sur l’eau comme sur terre. à pieds comme à bicyclette. Le
‘surhomme’ Nietzschéen se riant de toutes les tragédies. Composer avec les
forces et formes de la nature, flirter avec Éole et ne jamais être ouvertement
rassasié. Une incursion dont on ne peut revenir au cours d’une vie, et
surtout en pleine jeunesse. La "troisième décennie" ne doit nullement être
amputée d’une thèse ou tout autre forme de corridor de la pensée mais
s’ouvrir et se prononcer pour la spiritualité universelle.
Kamala n’a pas voulu de moi mais d’autres se sont chargées du boulot…
bien entendu je reste surprenable et aimant, donc sait-on jamais. Il y a tant
de bonnes âmes.
Quant au sansara, je lui dit non pour ce que j’y ai touché, ce que j’en vois,
principe briseur, hologrammes de bonheur, voici mon doigt d’honneur !
samana-Kamala½ Amour-humilité. La nature fera le reste.
Rien d’autre. J’ai fait court. Prenez le temps de lire
Siddhartha, c’est un"petit" livre libérateur.
24 janvier 2010, soir
maman, papa, quelque soit la voie de mon choix et l’endroit de mes activités,
je vous garantie un contact régulier avec réjouissantes visites.
Vous êtes dans mon coeur.
Fils du soleil.
Des fois, je me demande comment la Terre fait-elle pour rester si calme avec
une telle acné humaine sur le visage ?
Et surtout, Combien pour une petite parcelle de terre cultivable au soleil ?
Et même qu’on me répond par voix intérieure, va voir par toi-même.
Fils du soleil.
24 janvier 2010, nuit
Tout se passe comme prévu. Mal.
J’ai comme un gros problème.
Satori littéraire à bac+4,5 mention ‘’supercherie scientifique’’.
Ma consommation de yerba mate s’accroît furieusement. Il n’y a que des
‘’bonnes’’ choses là-dedans. Il faut dire que je ne me suis pas méfié, juste
intrigué de voir ce baroudeur de géologue en abuser en sortie terrain il y a
un peu plus d’un an. Sa parole politico-scientifique faisait mouche sur ma
caboche et nous faisait bien sourire. Sans avoir tord, et même plutôt raison,
avec son oeil aguerri pour les structures géologiques et sa rigueur acquise
pour les besoins du métier, il n’en restait pas moins fou. De cette folie
paranoïaque et sarcastique des esprits libres enfermés dans des corps un
peu moins libres, eux-même se mouvant avec heurts entre les affres du
système. Ne pouvant dissocier l’un de l’autre, un contenant, un contenu, il
s’acharne au nom de la transmission du savoir à souffrir. Ses voyages le
maintiennent en vie, sa femme le quitte.
Merci pour le breuvage.
Mes feuilles de calculs sont étalées devant moi, je les vois ‘’floues’’, ne révise
pas, et puis, il y a ce besoin d’écrire. de justifier. Putain de bon breuvage !
ballade de the Band :
Whispering pines.
Je remballe.
25 janvier 2010, midi
Tribute to the Band : « these guys changed my life »
les combinaisons gagnantes « aux mains propres » et aux esprits libres
Les revendications politico-sociales sont TOUJOURS l’aspect le plus faible.
Monsieur Jerry Garcia.
La quête spirituelle reste pour moi, la vraie question.
Vous aviez raison.
Et c’est ce qu’ont totalement délaissé ou plutôt ignoré les sociétés modernes
dominantes.
On aboutit alors à des situations complexes et litigieuses, un vrai sac de
noeuds qu’aucun homme, même celui possédant l’aisance orale, ainsi que les
compétences foncières, ne peut démêler. Il y a tellement de moutons avides
de consommation ayant une vision du bonheur allant à l’encontre de la
mienne ; de la valeureuse vision Nietzschéenne, de la douce vision d’un
Brautigan, et de bien d’autres. Je le dis avec regret. On ne leur demande pas
d’être des visionnaires en Art, ni des pontes du classicisme, la grâce ne nous
touche que rarement. Ils n’ont pas le talent ni le courage pour créer ou
essayer de créer. Mais au moins, qu’ils aiment le beau, le vrai… au lieu de la
merde bas-étage en exergue et proliférant à la base de cette civilisation
déchue, que l’on tente de supporter par d’atroces moyens. Travail excessif
pour subsister sur la vague scélérate de la production massive consumériste
et si pauvre ; si pauvre.
Le président est la meilleure des marionnettes pour cette situation. Il a les
qualités de son statut. Mais la politique n’est pas la solution, dommage.
De mon point de vue, il se serait pointé torse nu et blue jean, aurait partagé
un calumet de la paix avec les soucieux interlocuteurs présents ce soir,
avant d’ajouter :
- « Mes braves, vos angoisses prennent fin ce soir. Prenez le temps de
vivre heureux. Cultivez votre terre et battissez- vous de saines
cabanes. Prenez le temps, jetez vos montres. Chaque cabane doit être
un point relais lors de vos déplacements sur notre désormais, vaste
territoire. Allez-en paix – Amusez-vous – Je vous aime – mes braves. »
La fin est facultative, point trop n’en faut ; d’ailleurs :
- « Mettez de la musique dans vos âmes et vivez éveillés »
aurait été plus judicieux.
25 janvier 2010, nuit
Le manifeste de Kaczynski et Howl de Ginsberg enfin dans mon sac !
Un petit coucou au passage, aux R.G. ; un coucou du genre
Salut d’Amour de Lawrence Ferlinghetti.
Souvent on me demande ce que je fais. Je le leur dis.
Ils me répondent : « Oh, c’est bien », « Ah, ce doit être intéressant. »
Je rajoute « Oui, c’est intéressant. »
Je voudrais leur parler, moi, de l’échec d’une réussite.
26 janvier 2010, matin
Je m’apprête à me coucher. Vaisselle faite. Toilette faite. Chaque chose est à
une place à peu près convenable. Le gros ménage attendra.
La lampe, un livre, du Buko encore, Pulp, le dessert du repas quotidien. Mais
non, il manque… un besoin nouveau, récent. Il faut que je gratte quelques
lignes. Quelques lignes pour ponctuer ces deux derniers jours de grand
n’importe quoi !
Je suis l’artefact, le sorti d’orbite, mes traversées sont éclaires, sans
emprises et peu d’appuis.
Les individus de ma promotion sont robotiquement imprégnés et tendus par
ces ultimes examens, et foutument bien préparés ! Mes amis suivent le cours
de leur existence, de leur mieux.
Je tente un courrier électronique désespéré à une boutique toulousaine de
prêt à porter biologique, affichée commerce équitable, vêtements, bijoux et
surtout, yerba mate ! Le site, je regarde à peine, deux ou trois prix glissent
devant mes yeux, me semblent bien élevés. Je vois "contact’’ ; nous sommes
lundi. Je clique puis tape :
« Bonjour,
Gros consommateur de yerba mate, ultra sportif, défenseurs des
cultures traditionnelles, et artiste à mes heures (majoritaires en ce
moment), je suis actuellement encore étudiant en sciences (damnation)
(bac+5 qui n’est pas sûr d’aboutir).
Néanmoins, je souhaiterez savoir si, via vos contacts ou au sein même
de votre boutique, il n’y aurait pas un poste pour mes incompétents
(quoique) mais empressés services ! (en métropole ou même, Amérique
du sud) Cordialement, »
J’oublie.
Aujourd’hui je reçois :
« Bonjour,
Merci d’avoir pensé à nous. Malheureusement, l’année 2009 ( et ses
turbulences) nous a été fatale. Le manque de trésorerie ne nous a pas
permis de lancer de nouvelles collections. La mort dans l’âme, nous
avons fermé boutique et sommes en train de liquider la société.
Dommage… Bonne chance pour vos recherches
Cordialement, Isabelle. »
Tentative idiote, inappropriée , utopique
Réponse désolante, sincère, édifiante, prévisible ?
Rire sarcastico-sardonique, de moi, de cette boutique, de la situation,
particulière, générale, nationale, mondiale.
Burlesque ! je cherchais le mot.
et une de plus.
26 janvier 2010, nuit
Servitude des pensées.
Voyez m’en navré de ne point être plein d’enthousiasme face à la toujours
plus jaillissante avidité dont font preuve les occidentaux qui m’entourent. Un
jour, un regretté marginal entraîneur de Javelot m’a dit un truc du style : «
Tu n’aurais pas de sang africain par hasard ? » faisant allusion à mon flegme
naturel, cette manière d’écouter avec calme et distance, ce léger air béat,
surpris et émerveillé.
J’ai des préjugés sur les chinois modernes, leur obéissance mécanique me
gène, leur nombre me choque, leurs migrations m’interpellent. Et lorsque je
vois leur armée défiler je plisse les yeux de dédain.
J’apprécie les coréens. D’ailleurs, je m’approvisionnais en yerba mate dans
une épicerie fine coréenne, « un magasin de thés » comme me le précisa cette
après-midi, ma sympathique, affable et très humble vendeuse. Je suis un
client particulier, sûrement attachant quoique étrange. L’étudiant, seul
buveur exclusif de maté vert du brésil, capable de toutes les fantaisies
comme celle de lui proposer spontanément ses services dans cette petite
boutique d’à peine 8m². Je voyais pourtant bien que les journées lui
semblaient déjà longue, à elle…
Alors j’ouvrirai une épicerie fine de produits normands, camemberts,
calva…en Corée, je lui lance. Elle rit. Brave personne, vraiment gentille. Mais
elle ne s’imagine pas à quel point je l’envie. Cette idée de magasin de thés, de
petit magasin de thés. « un an et quatre mois » qu’elle et son mari (qui
poursuit encore des études parallèles parisiennes) se sont installés. « difficile
au début mais là ça va ». Il doit falloir se lancer et jouer avec la chance
comme à la roulette russe. Et de la volonté.
Le rouleau compresseur concurrentiel ne laisse pas de traces sur les
bitumineux terrains du business.
27 janvier 2010, nuit
Aversion complète et irréversible pour les infinies lignées rutilantes qui les
conduisent au purgatoire chaque matin et les ramènent aux murs casaniers
sous contrôle câblé, le soir.
Accablante parade à l’automatisme psychotique.
Ma journée rayonne malgré ces six heures d’examens sur table, pour la
forme, le heurt est pour plus tard. Rayonne, car se profile en mars le Blues
puissance exponentielle. Un mythe woodstockien et la relève explosive,
Johnny Winter, Popa Chubby et Eric Sardinas se produisant la même
semaine dans un périmètre restreint de Beauvais à Rouen où je serais selon
toute vraisemblance à cette période, enfin, cette fois c’est certain. Deux dates
que je ne manquerai pas.
Tribute to Johnny Winter – Thru the years
Le virtuose albinos texan toujours vivant, le rageur Eric Sardinas et sa
dobro, un son unique ! et l’excellent bonhomme, Massif Popa Chubby.
Blues Rock Power
Alors pensez-bien, six heures de partiels, catégorie : merde et bricolage ; je
ne connais pas les choses assez dans le détail, laissez moi écrire ! à ce sujet,
la phrase d’en tête du jour, après qu’elle ait allumé pour la journée le feu de
la révolte, il m’a fallu la noter, la feuille bleue de brouillon de cet examen fera
l’affaire, de toute façon je suis en avance, je sors toujours en avance. La
dernière est pour demain, grand chelem en vue. Les derniers seront les
premiers. Ou l’inverse ?
28 janvier 2010, nuit
Toute chose est superflue. Ou pour reprendre le concept… rien ne s’est
passé. Nous ne vivons qu’à cet instant et encore, nous ne le vivons déjà plus
au moment où nous le prononçons. Ça, du zen approximatif ? je l’accorde,
mais c’est pourtant ce qu’il m’est venu à l’esprit après 5h30 de vélo. Pour
avoir croisé 2 cyclistes et avoir été doublé par 3000 automobiles.
Effrontément doublé. Pour moi, une négligence qui mériterait châtiment.
A toute heure et en tout lieu je m’imagine récupérer le flambeau de Theodore
Kaczynski, pour la chute de la société industrielle !
Cela peut paraître désolant, il y a néanmoins là-dedans un certain
humanisme ou du moins, un amour pour l’état d’une vie originelle, pleine
d’humbles vertus et d’…
Je ne pourrai plus renier l’état de conscience de mes 22 ans. Je n’en fais pas
le serment, mais m’en défends et me donnerai vulgairement corps et âme…
et comme j’aime à le dire, sans concession.
30 janvier 2010, soir
Au grands jeux des Utopiades je tiens la pôle.
La ‘Beat generation’, bien que tout autre, avait pour appui la ‘Génération
perdue’. Et qu’avons nous ?
Quelques décades molasses, (un) rebattu de flou artistique.
La thema de ce soir m’a donné soif. "L’ivresse des poètes’’.
Tout ce que je peux dire, c’est de n’être ni du second bord, ni d’avoir encore
usé du premier pour écrire… sous l’emprise éthylique d’une joyeuse
beuverie. Mais que dans le fond, souffrir doublement est une idée
intéressante. Un peu trop désespérée mais intéressante. Cependant victime
de l’effet ‘’ruée vers l’ouest, l’or, l’éden’’ propre aux choses intéressantes ou
semblant l’être. Seuls les meilleurs tisserands boiront jusqu’à tirer leur
épingle du jeu de bouteilles. Les autres alimenteront la sous-classe
végétative : poivrots "bas de gamme’’.
« dépasser l’acide », dépasser l’alcool, il est très difficile de dépasser une
addiction. En recréer les effets par une voie autre. Cela revient à choisir
entre la grisante illumination (parfois illusoire) de caresser , au mieux, le
corps complexe ingénieux et tourmenté de la création ; au pire, de se
contenter d’une décharge hagarde, auto-traitement sans ordonnance qu’il
vaut mieux s’administrer chaque jour tant le ciel à l’horizon n’annonce rien
d’optimiste ; et, l’autre choix, le monde dépourvu de stimulations, celui du
conformisme, où s’oublier soi-même est un savoir vivre.
Et tout le Golgotha populaire oeuvre dans ce sens.
Donc, si vous n’avez pas entrevu la brèche dans la lisière, alors la clairière
vous comblera sans trop de difficultés d’un confort apparenté au bonheur.
N’est-ce pas là le but de chacun ? et tant pis qu’il faille manquer la
palpitante éblouissante grandeur du monde sauvage libre.
Il me faut corriger, car en réalité, je ne l’y ai pas trouvé, le bonheur dans
cette clairière, ou bien factice car enfantin, je ne l’y ai pas vu non plus chez
les autres, c’est, hélas, cela le plus affligeant. Ce confort rend mou et
peureux. Seule l’angoisse travailliste subsistancielle permet de ne pas y faire
face ! hors, voici donc, un joli cercle vicieux, n’est-il pas ?
Johnny Cash n’a jamais chanté ‘’Wanted man in Normandy’’, et ne chantera
plus, que je sache.
31 janvier 2010, nuit
Fichues cloches scélérates,
Comme le rappel d’une sonate suprême,
Qui vous aurez couvé,
Depuis l’albumen, jusqu’au dernier chant,
De la dernière aube.
Etreintes fragiles sur planches chancelantes.
Dehors, le monde s’agite, s’affole. Elle le sait, je le sais. Je n’ai pas faim, je
n’ai pas froid, il me semble que je pourrai survivre ainsi une éternité.
Il m’arrive de ressentir cela aussi lorsque je cours, la mobilité en plus, une
telle compagnie en moins.
L’espoir est un saule pleureur de vallée glaciaire, figé dans l’hiver infini.
J’aimerais en ce moment, cueillir moi-même mes figues, les partager, les
faire sécher, à l’aube d’une journée radieuse, d’une région nouvelle,
verdoyante, aux roches saillantes et à l’éclat vierge de toute pollution.
01 février 2010, midi
Le soulagement ne peut venir que d’une décision franche, sans contrepartie,
sans balbutiements… d’un autre côté, il n’y a pas non plus de grand
discours à faire.
Je me surprends encore à suivre la suite des enseignements prévus à la
l’université, au lieu de monter le "Projet", du jeune, étudiant, perdu dans son
temps et voulant à tout prix ressentir les contraintes telles des frappes
sèches d’un fouet sur un cadavre. La réussite m’a souri jusque là, pourquoi
pas continuer de "faire semblant" d’avoir sa place. D’autant que je viens de
recevoir un nouveau courrier électronique :
« Merci pour votre message mais je ne vois pas au sein de notre
entreprise aucune possibilité pour le moment. Pour ce qui est des
contacts, difficile aussi car les entreprises que ce soit en Europe ou en
Amérique du Sud sont plutôt en réductions d’effectifs compte tenu des
incertitudes qui planent pour tous. Je vous souhaite bon courage et si
jamais vous aller en Argentine, je vous donnerai une liste d’entreprises
pour contacter sur place et demander un entretien. Qui sait, étant sur
place et avec un contact direct, si vous aurez une possibilité au moins
expérimentale.
Cordialement, Gonzalo Cruz »
Chaque réponse est intéressante, même si ce n’est que la seconde que je
reçois. Cette fois-ci, il possède une liste, qu’il me fournirait volontiers si
demain, j’ouvrais les yeux à Buenos Aires.
Alléchant pieds de mur.
02 février 2010, nuit
L’américanisation de l’Amérique a tué la plus lucide et vivante génération.
Je souhaiterais que l’américanisation de l’Europe en ravive le souffle
désenchanté.
Je me demande si ces râles d’estomacs viennent de mon alimentation trop
variée, incluant quelque mal-bouffe inéluctable, compressée par des heures
de pénitence bien longues sur les bancs universitaires ; ou viennent-elles de
l’imposture inconfortable de ma situation. Il faudra veiller à ne pas s’en
accommoder, réfléchir juste, de manière tranchante.
Je suis en classe, nous attendons l’enseignant…
« Pourquoi le gazouillis d’être humain qui bavardent paraît-il aussi creux ? »
Charles Bukowski, je t’adore.
04 février 2010, matin
La politique se penche sur les problèmes mais oublie de se relever.
Il n’y a rien de plus indéfectible que ce dont "tout le monde parle".
Les catastrophes, ou phénomènes naturels causant de nombreux dégâts sur
les populations et leurs installations sont regrettables. Et dans une certaine
mesure ‘’tempérée’’, un prix clément à payer pour la vanité humaine.
Les catastrophes, ou phénomènes du genre 11 septembre 2001, sont à
méditer. Tous les grands spécialistes en divers domaines se sont exprimés,
historiens, politiciens, économistes…
La symbolique d’un tel acte, et ils sont formels, est démentielle ; dans tous
les sens du terme, j’ajouterais.
L’Amérique est un symbole bâti sur des symboles. En en détruisant la tête…
Je tempère cette insinuation condamnable, car si ma démarche de m’inscrire
dans une certaine "contre-culture" effrite surtout le monde occidental ; je
possède un mépris plus grand (disons équivalent) à l’égard de ces sociétés
armées (ou ayant accepté de s’armer) au service d’idées de prophètes
assassins. Aux croyances déshumanisantes, ce n’est que mon intime impie
ressenti. Je suis bien trop limité pour en dire davantage, ce n’est pas mon
monde. Peut-être simplement qu’ils n’auraient pas engendré de tels furieux
si le ‘gentleman’ Occident s’était gardé d’une telle fierté, et lui aussi, d’une
telle soumission déifiée.
Je me demande si des anarchistes moraux, follets à tendance hippies,
existent dans ‘cet’ Orient-ci.
‘’It Makes No Difference’’ fredonne Rick Danko et le riff délicat de Robertson
m’enveloppe d’une humanité exagérée. J’aspire les dernières gouttes dans
ma calebasse.
Joindre l’image aux mots.
Je me rends compte qu’en écrivant, mon projet d’art séquentiel, ma bande
dessinée, avance toujours moins vite. Dans l’idée, la visée est la même que
mes écrits. Je pense depuis ce matin à concilier les deux, ainsi, seuls les
passages au vif désir d’illustration accompagneront ces brefs "frissons
marginaux", "frissons solaires" que je ressens, en véritable "ange de la
désolation’" ; Kerouac a ici, selon moi, posé le titre parfait.
Quelque chose prend forme, au dessein non conformiste.
04 février 2010, soir
Piscine fermée, stade désert, un vendredi soir.
D’accord, ce n’est qu’une bourgade de campagne, toutefois je suppose que
les bibliothèques et salles de concerts accueillent des comités restreints… en
revanche, les rues ne désengorgent pas et à coup sûr, les audiences
télévisuelles vont crescendo à cette heure.
Je bouillonne d’un mépris magmatique qui me rendrait sûrement
antipathique voire détestable, au regard mono-focal téléguidé du troupeau si
j’en venais à en déverser de manière virulente, éruptive. Contentons-nous
d’une coulée visqueuse moins tape à l’oeil. Cheminement lent.
Contournement d’obstacles.
05 février 2010, soir
"Soul conversation"
Mon cher cousin, j’aimerais t’initier,
Au blues, un bluesman français, multi-genres, blues, soul, rythm’&blues,
Chicago blues, Mississippi blues.
Jean-Jacques Milteau.
Tes réponses hésitantes et timorées ne te ressemblent pas, et tu voudrais me
crier : « Non, ta réalité m’effraie, je veux encore voguer parmi les flots
éphémères »
Je te répondrai que tu devrais profiter de la présence de ton cousin, en ce
jour…
Et puis, cette musique, elle, pourra te surprendre.
« Cette musique a besoin d’oreilles, contrairement à d’autres »
(J.J. Milteau, 12 février 2010)
06 février 2010, nuit
Quand vous ne croyez plus à ce que vous faites, il vaut mieux prendre une
grande et profonde inspiration et ne plus vous retourner. Au petit jeu des
mails spontanés délirants, je réponds à monsieur Gonzalo Cruz :
« Je vous remercie de la réponse. Et vous avoue que l'envie formidable
de rejoindre ce pays m'accapare le corps et l'esprit.
Il ne manque que l'argent pour foutre le camp. ça suffit.
Tenez-moi au courant s'il y a du changement chez vous, il en va de
même pour moi; auquel cas votre liste me sera utile. Je m'en vais
poursuivre un stage de fin d'études quelques temps, dont la maigre
rémunération (pour le monde occidental d'aujourd'hui) sera hélas,
avidement attendue. Bien cordialement, »
Je reprends Céline, il semble faire mouche, les services "incompétents mais
empressés" c’était lui. Le "(…) ça suffit" c’est encore lui.
07 février 2010, midi
Ce matin, vers dix heures, pour ceux qui aiment ce genre de précision, le
téléphone sonne, je ne décroche pas. Sûrement la grand-mère maternelle. Je
suis seul au domicile familial, en calbute, en train de me brosser les dents.
J’ai ma tête de ‘terroriste’, ma tête de fin de semaine, hirsute et rasé de loin.
On sonne à la porte, en jetant un oeil par la fenêtre j’aperçois en contrebas le
break bleu ‘’Gendarmerie Nationale’’. Le mini lévrier à sa maman assourdit
les secondes qui suivent. Je sais très bien que ce n’est pas pour moi, mais
l’inévitable et justifiée paranoïa s’empare de moi. Ça y est, on a intercepté
certains e-mails et mon activité sur un réseau social en ligne a dépassé
certaines limites. On me déclare ennemi de l’Etat, « veuillez nous suivre au
poste ». J’enfile vite fait un minimum, puis descends ouvrir.
« on vous réveille peut-être ? »
- « mmm…NON ! »
Le duo désormais classique du type à l’expérience et de la jeune novice dont
l’uniforme me laisse toujours un sentiment d’interrogation et de fantasme
stupide.
Finalement rien. Une voiture remise au concessionnaire par mon paternel, il
y a plus d’un mois, vient d’être signalée à l’abandon depuis quinze jours,
accidentée en bord de route. Véhicule qui serait toujours à son nom… allez
savoir.
Ma fine barbiche à la maître zen leur fait un signe obscène renversé, ils ne
peuvent pas saisir. Chacun s’en retourne.
07 février 2010, soir
Retour nocturne, mains sur le volant, yeux sur le compteur, le ‘Still Alive
and Well’ de Johnny Winter pleine balle lui par contre, et le cortex frappé de
décharges cosmiques, recherchant ses petites mains dans l’entrelacs
cérébral pour tenter d’y graver n’importe comment, de vibrantes tirades.
De tous les avis, seul prévaut celui du décisionnaire de publier.
07 février 2010, nuit
La révolte du XXIe est à ce jour en couveuse, silencieuse. Les propos
anarchistes, les nouveaux maux du siècle, fourmillent dans une toile
invisible qui semble leur suffire. Les réseaux informatiques, où les blogs font
office de crachoirs. 8h, heure du taf, on déconnecte. Affligeante faiblesse. 8h,
pas de taf, mais une gueule de bois du tonnerre et pas capable de distinguer
si elle est plus ou moins corsée que la dernière ; en espérant que la
prochaine arrive vite et les efface toutes les deux du tableau d’affichage.
07 février 2010, nuit
Mes journées pourraient être des scènes d’un film de Jarmusch, je déambule
bien trop seul ou mal accompagné sur l’autoroute tracée par l’accumulation
d’honorables résultats à l’école.
Je butte sur la limite du supportable, une brise inédite m’apparaîtrait tel un
soupçon salutaire suffisant pour franchir cette limite, vers le meilleur peutêtre
pas, vers une liberté accrue vitale, il y a des chances. Je continue
d’entrouvrir des portes en attendant. Je continue de faire semblant en ne
dissimulant point mon dégoût, sans qu’il ne m’envoie pour l’instant à l’asile.
Je continue. Je continue. Je continue à creuser ce sillage ultime, ce méandre
forcené, à la fois terrier étouffant et terrain vague ensoleillé, gracieuse
fertilité pour toutes mes espérances.
08 février 2010, après-midi
Celui qui a inventé le sommeil n’est-il pas le seul génie qui ai vraiment
existé ?
Il n’y a uniquement que lorsque je suis éveillé, que je ne baisse pas la garde.
Ces paroles ne me ressemblent pas et pourtant… après une délicieuse et
trop courte nuit des plus confortables. Ah le confort ! j’en préférerais un tout
autre, me lever avec l’éclatante beauté de la nature à mes côtés, déjà ivre à
l’idée de n’avoir qu’à la chevaucher et la caresser, un jour entier.
Les sociétés occidentales sont à l’image d’un karaoké entre rivaux, beaucoup
de bruit pour rien.
09 février 2010, matin
12 février. Jean-Jacques Milteau en périphérie caennaise. Ça ne tente
personne, je m’y rend seul et en avance. Je crains le verglas accompagnant
la tombée nocturne, et qui m’a déjà mis en difficulté deux jours plus tôt.
Un peu de marche, jusqu’au grand centre commercial cosmopolite de ce
genre de ‘banlieue’. Vendredi, fin de journée. Les cadis sont pleins et les
traits tirés. Je passe en caisse pour 0,90 centimes de biscuits à la figue. En
galerie, je cède pour un menu "latino’’ d’une sandwicherie. Le deuxième est
offert, il peut bien, pour le prix que je lui laisse.
Je m’enfile alors un "argentino" (voilà l’infantile raison !), le "mexicano"
offert, les deux, légèrement réchauffés. Corsés mais c’est un régal. Je
remonte la pente à l’air frais urbain, puis termine biscuits, brioche, au jus
de pomme, en siégeant ma sacro-sainte et maudite auto. A côté de la salle de
concert, face à la salle de boxe où ça n’envoie pas du lourd. Je suis vraiment
en avance… encore une bonne demi-heure à zoner, méditer, appréhender et
savourer.
Des connaissances ont décliné, prétextant un public trop âgé, une soirée
occupée, ou un désintérêt non dissimulé.
Finalement, la petite salle est comble, ici, ça envoie du lourd, et de l’émotion.
Le siège à ma droite, reste étonnamment vide.
12 février 2010, soir, nuit
Rencontres fantomatiques et summum du dépit.
Face aux responsabilités, je choisis l’utopie.
On appelle cela, crise d’adolescence chez une tranche d’âge assez juvénile,
un état passager, transitoire, crise d’adolescence, j’appellerais ça, crise sous
influences. Par opposition à procréée, nourrie en et par soi, existentielle si
l’on veut. Une crise de négativisme mimétique, un vilain mélange.
Chez l’adulte, jeune ou non, on appelle ça folie et Bukowski de renchérir :
« ceux qui ne deviennent jamais fou, quelle horrible véritable vie ils doivent
avoir. »
L’Argentine "freeride", m’accapare le corps et l’esprit.
13 février 2010, nuit
Consternantes épopées de mes jours les plus ternes.
Je ne veux pas qu'on m'enferme, m'assourdisse, d'affligeantes mélopées.
Fuyons, fuyez, je fuis. Seul! Trop fou pour vous, tant bien même que nous
partagions passions, idées, bons moments, trop courts. Trop fou.
D'abord, je ne fuis pas, je me libère, de ça, que je ne tolère.
Pâles oraisons d'une funeste, tueuse machination, j'ai mal,
au fond, de l'incestueuse dégradation.
De notre temps, de votre temps, de mon temps.
Tout ceci est trop mou. Je veux grimper, danser, jouir et dormir.
Ce n'est pas si différent de vos désirs et pourtant,
ma paix et mes rythmes échappent à la voûte d'ogives monocorde aux
dorures assassines,
du consensus magnanime.
Regret ou nostalgie d'un temps immémorial où un dollar valait encore un
dollar.
Mon esprit erratique quittant ce Cirque grotesque glacé.
Je serai conquistador fuyant l'ElDorado.
15 février 2010, nuit
Fantômes de mes nuits, d'instants bels et bien tus.
Je marche vers l'infini jusqu'à n'en pouvoir plus.
Terres arrachées par des hordes sans gène. Qu'ils se méprennent,
je ferai face à tant d'inconsciente haine.
En lui tournant le dos j’oeuvrerai, dans l'extase, au boomerang sans retour,
destructeur et sans leurre.
Et même si les mots, le papier, les idées, des plus grands esprits réticents et
rebelles, n'ont pu envenimer suffisamment à la source de la décadence,
structure de calculs malhonnêtes.
J'ajoute ma contribution, j'abandonne ce jeu trop sérieux.
Le fou éternuant.
À tes souhaits renversant, le plateau de société, et ses pions, et ses rois.
18 février 2010, midi
Je ne me souviens pas avoir entendu parler du commandement: tu étudieras
pour t'engraisser les poches plus tard, contre un peu de saine angoisse.
De toute façon, je ne me souviens plus non plus des autres, hormis peut-être:
« Tu ne tueras point. »
Point.
19 février 2010, soir
Haikus ?
L'homme avance à grands pas
la faucheuse galope vers lui.
Les poèmes trahissent les faiblesses du coeur
je ne suis pas écrivain.
La tour d'ivoire s'érige sans encombres
Unabomber observe sous les verrous.
Le soleil reflète la terreur
peu d'endroits où il ne brille pas.
Ce cinéma est nivelé par la pente
tous ses sièges sont semblables.
Je n'aime pas être assis
et préfère le grand air.
Une farandole de gadgets tourbillonne sur la planète
seules quelques feuilles imprimées évoquent le cosmos.
L'homme avance à grand pas
l'autoroute est funèbre.
20 février 2010, matin