C'est en 1967, dans le magazine anticonformiste Open City, qu'un poète presque inconnu commença de publier une chronique régulière.
Avec une brutalité rarement égalée, doublée d'une superbe indifférence au scandale, il y exprimait sa révolte contre la société américaine, le pouvoir, l'argent, la famille, la morale. L'alcool, le sexe, les échos d'une vie marginale et souvent misérable y étaient brandis comme autant de signes de rupture...
Ce "journal" est un classique de la littérature contestataire, qui conserve, aujourd'hui encore, toute sa fraîcheur. Tu m'étonnes!!!
A lire!!! Tout simplement succulent, mais attention aux âmes sensibles, vous serez choquées!!! Perso, je suis fan. En ce moment, j'ai la tête plongée dans ce bouquin et j'avoue que je n'ai jamais pris autant de plaisir à me taper la ligne "Versailles Rive Droite - St Lazare"
Voici un passage du livre, d'autres suivront...on va commencer "soft" par celui-ci:
"les heures ont défilé, les cannettes de bière aussi (...) il y a eu aussi des moments de silence. durant lesquels chacun de nous s'est laissé envahir par ses pensées.
finalement Red a bondi sur ses pieds.
- bon, c'est pas tout ça, mon vieux, faut que je me rentre. mais quelle nuit d'enfer!
à mon tour, je me suis levé.
- tu l'as dit Red.
- putain, c'est bien vrai! allez à la revoyure.
- sûr vouais.
mais on semblait pas vouloir se quitter, comme si la nuit avait été réellement une grande chose.
- à te revoir, p'tit gars!
- d'accord, Bukowski.
je l'ai regardé contourner la haie par la gauche, cap sur Normandie, et Vermont, où il avait encore cette chambre pour trois, quatre jours. quand il a disparu, un vieux leste de lune a voulu participer à la tristesse de la scène et y est parvenu. j'ai refermé la porte, lampé un fond de bière éventée, éteint les lumières, rejoint mon lit et, une fois déloqué, je me suis glissé dedans, tandis que là bas, dans cette gare de triage, ils traversaient les voies pour se choisir un wagon, un endroit où dormir, où rêver d'une ville meilleure, d'un sort meilleur, d'un amour meilleur, d'une chance meilleure, de tout ce qu'il pouvait y avoir de meilleur. sauf que jamais ils n'y auraient droit, et qu'ils n'arrêteraient donc jamais de chercher.
c'est alors que je me suis endormi."
BIOGRAHIE DE CHARLES BUKOWSKI
C'est le 16 août 1920, à Andernach, en Allemagne, que naît Charles Bukowski. Son père est alcoolique, violent, sa mère soumise. De coups de ceinture en errance avec les mômes du quartier, Bukowski va grandir dans ces années effroyables pour les pauvres : la grande crise économique des années 30 aux Etats-Unis.
Au cours de son adolescence, Charles Bukowski rencontre un ami de son ami de son père chez qui il commencera à s'enivrer régulièrement. L'alcool est là pour oublier la rue, la famille, la misère, les angoisses mais aussi pour accéder au sublime, à l'illusion, à un ailleurs qui compense les vomissures du petit matin.
Autre évènement d'importance dans cette même période, Buk est soudain attaqué par une acné dévastatrice, qui va marquer son visage et son corps à jamais. Il en retirera cette apparence trompeuse de brute, de grand monstre, qui se pose sur lui comme un masque qu'il saura pourtant utiliser.
A 16 ans, Charles répond pour la première fois aux coups de son père, et le laisse au tapis. Le tyran est abattu.
Bukowski vivra encore un certain temps dans sa famille, puis ce seront les hôtels minables, les petits boulots, les femmes alcooliques ramassées dans les bars pendant les nuits de beuverie.
Bukowski écrit des poèmes pour de petites revues, la plupart sont refusés. Puis il attaque des romans autobiographiques, entre deux cuites.
A la bibliothèque municipale, il va faire une découverte qui va l'impressionner : un jour il ouvre un bouquin de John Fante, il reconnaîtra aussitôt en lui un maître, et s'identifiera souvent à Bandini, cet émigré qui peine à se faire une place au soleil. Autre découverte artistique, la musique de Gutav Mahler, qu'il écoutera toute sa vie.
Après une période terrible à New York, Bukowski cesse d'écrire pendant dix ans. Puis, revenu à Los Angeles, il entre à la Poste, comme facteur. Il recommence alors à écrire, entre deux tournées, en s'imbibant de whisky, en collectionnant les femmes.
En 1969 parait son premier recueil de nouvelles "Journal d'un vieux dégueulasse", et il commence à être demandé dans les universités ou les cercles littéraires pour se livrer à des lectures publiques, effroyables pour lui, mais qu’il supporte à grand renfort d'alcool.
Le succès venant, Bukowski quitte la Poste, et livre en même temps son premier roman : Le Postier (1971).
En 76, l'année où il publie les Contes de la folie ordinaire, Buk rencontre Linda Lee. Il finira par l'épouser et terminera sa vie avec elle, en vivant de ses droits d'auteur, qu'il dépense dans l'alcool et les courses de chevaux.
Pour nous Français, Bukowski apparaît vraiment au public en 1978, lors de l’émission littéraire "Apostrophes", où il biberonne du vin blanc, grommelle, drague ou taquine, et se fait sortir de l'émission avant son terme. Mais cet éclat passé, les gens qui vont se hasarder vers son oeuvre en ressortiront conquis par sa beauté, son style fait de douleur et d'illuminations. Des livres comme des perles dans un caniveau.
Le 9 mars 1994, en Californie, Buk s'éteint d'une pneumonie.
Sur sa tombe est gravé "DON'T TRY" (n'essaie pas).